On se réveille quand ?

Stéphanie de Chalvron
Humans Matter
Published in
3 min readMar 22, 2020

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Bon nombre d’entre nous n’avons pas vécu la guerre, alors on pourrait croire que les Ardennes, la Normandie, les alertes à la bombe et tout le bazar c’était de la rigolade ! L’occupation ? Une partie de plaisir comparé à ce que nous traversons. Le chemin des dames de 14–18 ? Un trek ! Eh oui ! Nous sommes en guerre aussi, enfin il paraît, notre chef d’état nous l’a répété 7 fois en 10 minutes, ça doit donc être vrai, une guerre virale, comme dans les films catastrophes. On n’y croyait pas, mais souvenons-nous, on l’a déjà vécu…

La grippe espagnole, 40 millions de morts quand même, la grippe asiatique, et hop, 4 millions de morts, ou encore la grippe de Hong-Kong, 2 millions de morts, mais on a eu mieux, le VIH, 40 millions de morts en tout dont 1 bon million rien que pour l’année dernière, si, si, mais principalement en Afrique. Pensez-vous que ça nous ferait réfléchir tout ça ? Ben non, on oublie et pourtant, l’urgence est bien là. Faut dire que le modèle de croissance est bien ancré dans nos petites têtes.

La croissance… laissez-moi vous expliquer. Au départ, l’idée était de créer de la cohésion sociale et d’améliorer la qualité de vie des humains de cette planète, pas mal jusqu’à ce qu’on ne sache plus quoi en faire de ce modèle de croissance, jusqu’à ce qu’on soit pris à notre propre piège, plus d’énergie fossile, toutes les ressources épuisées mais on continue, la croissance est impérieuse et on ne sait même plus vraiment pourquoi. Les uns surproduisent, les autres surconsomment, et tant pis pour la planète. Quelques hurluberlus, je vous donne leur nom scientifique, des collapsologues, tentent d’alerter, dénoncent un vrai péril écologique et prônent les « îlots de résistance »[1] mais personne ne les écoute vraiment.

À côté de ça, d’autres plus mesurés, ou plus timorés, c’est selon, ménagent la chèvre et le chou à grand renfort de morale judéo-chrétienne et d’appel au sens civique. Bah, le sens civique, là voyez-vous, on se demande bien où il est passé, il faut le voir pour le croire, les flics ont instauré un périmètre de sécurité autour du papier-toilette, le papier-toilette et les pâtes sont devenus des denrées de luxe, les batailles c’est au supermarché qu’on les fait. Tout ça pourquoi ? Parce qu’on est directement impactés, comme pour le VIH, on a commencé à se protéger dès lors qu’on a compris qu’il ne touchait pas que les homosexuels, mais le VIH n’a pas touché l’économie autant que le Covid-19 (oui, c’est son petit nom)…

Le covid lui, il remet en question le système mondial, enfin, il devrait. Les chinois vivent depuis des années avec un masque pour pouvoir respirer, ça n’émeut personne, alors on peut se demander si finalement on ne prendra pas les mêmes habitudes, le changement, ça pourrait être ça, se trimballer avec un masque et du gel hydroalcoolique et continuer à bien massacrer notre environnement. On se réveille quand ?

C’est un changement radical qu’on devrait opérer, réfléchir profondément à nos systèmes économiques, sociaux, politiques. Nous avons aujourd’hui le temps pour le faire, ce temps après lequel nous courions en se privant de weekends, en rallongeant nos journées, en raccourcissant nos congés, au mépris de nos proches, de notre santé même… Ce temps qu’on mesurait à l’aide du mot « argent », il va bien falloir le mesurer autrement, peut-être en commençant par se demander quelle valeur on veut bien lui accorder.

[1] Servigne et Stevens (2015). Comment tout peut s’effondrer.

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